ESSAY – Fil Rouge
PARCOURS D’AUTEUR #2 Apprenti sorcier, je suis auteur/ réalisateur, créant des univers immersifs. Je mélange des histoires très personnelles et des mythes fondateurs avec le paradoxe de laisser les visiteurs prendre possession de « mes » expériences. D’une manière douce et stimulante, je laisse place aux différences individuelles, plutôt que d’imposer des limites en disant aux gens ce que devrait être leur expérience. Pour moi, écrire et réaliser sont une nécessité vitale. En cas de doute, je ne peux que me replonger dans la lecture, Lettres à un jeune Poète, par le poète autrichien Rainer Maria Rilke à un élève-officier de 19 ans, puisque je me suis toujours posé la question: suis-je auteur ou non? Puis, être auteur est aussi question de se cogner la tête contre les murs de financement encore et encore jusqu’aux craquellements du final cut! En parallèle avec mon activité d’auteur, je suis un militant dans l’accompagnement des victimes de violences sexuelles. Ayant moi-même survécu à un viol et après deux décennies de guérison, j’ai rejoint l’association En Parler, créée Sandrine Rousseau, ancienne députée et membre éminente du parti écologiste français, EELV. J’ai créé et j’anime un groupe de soutien mensuel unique en son genre, réservé aux hommes victimes de violences sexuelles. Mon parcours de guérison, semblable à d’autres, avait atteint une étape finale lorsque j’ai commencé à réaliser que le cœur de ma souffrance est un état appelé dissociation, qui est un trouble de stress post-traumatique complexe. Depuis, j’essaye de comprendre le corps par la traumatologie. Selon Paul F. Dell, psychiatrique américain, la dissociation fait partie d’un large éventail d’expériences allant d’un léger détachement de l’environnement immédiat à un détachement plus sévère des expériences physiques et émotionnelles par certaines victimes de multiples formes de traumatismes infantiles, y compris physiques, les abus psychologiques et sexuels. La caractéristique majeure de tous les phénomènes dissociatifs implique un détachement de la réalité, plutôt qu’une perte de réalité comme dans la psychose. Néanmoins, je suis poète et non thérapeute ni médecin. Même pour quelques secondes, j’espère que les utilisateurs de mes projets prennent conscience de leur corps ou prêtent attention à ce qui se passe autour d’eux : être dans l’ici et maintenant. Je me rapproche de la philosophie d’Henri Bergson et de sa conception de la liberté avec un sentiment immédiat du réel. Le monde n’est pas un système clos qui est réduit aux théories mathématiques et à la raison. C’est ce paradoxe de réutiliser une simulation virtuelle pour retrouver cette sensation physique d’être au monde. Peut-être l’a-t-on perdu en cours de route ? Au-delà du traumatisme et de la pathologie, en tant qu’espèce humaine, ne sommes-nous pas « égarés» ? Vivre dans les villes et être esclaves du sur-rendement productif du travail, n’avons-nous pas perdu le sens du lien entre l’esprit et le corps ? Peut-être, à travers la « sensualité cybernétique », pouvons-nous nous reconnecter à nous-mêmes via la technologie numérique qui utilise le feedback cyber-esthétique pour nous permettre de ressentir la caresse (et la morsure) d’une expérience transcendantale ? Pour synthétiser des termes médicaux en créativité, j’aime beaucoup le terme « émersion» en référence à Jules Verne dans L’Île mystérieuse : quand l’île émerge et remonte involontairement à la surface. Se pose alors, via une approche philosophique, de cette remontée à la surface (par l’étude de l’orgasme, du bronzage, du dépassement sportif de soi…) : Ce qui remonte, est-ce le sujet qui le produit ? Qu’est-ce qu’il en perçoit ? Comment y accède-t-il ? Dans l’émergence, il y a disparition. Dans ce voyage viscéral, il y a émergence d’un corps dans un corps. L’expérience implique de mettre les visiteurs dans un état de conscience pour faire ressortir une autre partie d’eux-mêmes. Cela s’accompagne d’une perte de contrôle, de l’involontaire. J’aimerais explorer mes projets comme un tour de magie qui révèle quelque chose en nous, qui ne devrait pas exister. Immersion, submersion, émersion… Dans mes histoires, les personnages sont face à des dilemmes existentiels dont leurs arcs narratifs les amènent vers la ré-émergence d’un mystère poétique sur eux-mêmes. Comme un sous-marin qui revient à la surface, une vérité intime ressurgit à la surface de leurs consciences. Creuser le thème de prendre corps peut se traduire comme une introspection, une immersion et une émersion. Dans ce sens, Voici une myriade de problématiques qui pousse la réflexion de Prendre Corps dans mes futures projets: Pour moi, au-delà de la technophobie, de la critique des GAFAM et des médias numériques sont une forme d’expression artistique. Un casque de VR, enseigne de modernité, n’empêche que cette paroi courbe m’apparaît faire écho aux sources primitives de l’art : dans les grottes où nos ancêtres de la préhistoire créaient des peintures et gravures rupestres, traces de leurs activités, de leurs symboles et de leurs rites, journal collectif parvenu jusqu’à nous. L’univers virtuel est concave à l’instar de ces murs rocheux, et les motifs projetés sur sa coupole varient tout autant selon la direction du regard et la position de l’observateur à sa base. Pour moi, le jeu vidéo est la somme de tous les médias et la VR est la machine poétique ultime.